Manifeste d'Écrits de Rome pour la civilisation européenne et chrétienne
Notre belle nation, la France, appartient à une civilisation qui lui est supérieure en même temps qu’elle l’honore : la civilisation européenne.
Cette civilisation est marquée par un triple héritage : la philosophie grecque, les mœurs et les lois romaines, la religion chrétienne. Or, historiquement, c’est Rome qui a été le principal vecteur de la pensée grecque comme du Christianisme. Aussi est-ce Rome, cité héritière des paysans du Latium et cœur spirituel de la Chrétienté depuis deux mille ans malgré les vicissitudes, qui symbolise le mieux ce qui fait la spécificité de la civilisation européenne : la jonction d’un enracinement profond dans la terre de nos Pères et d’une tension permanente vers l’Universel.
Notre manière de penser le monde – de la famille à la chose politique – et, par-là, notre façon de vivre sont tout imprégnées de cette civilisation.
Mais parce que celle-ci est aujourd’hui menacée – à la fois par l’immigration-invasion d’origine subméditerranéenne, les idéologies anglo-saxonnes, et une Union européenne qui n’a d’européen que le nom –, notre devoir est de la promouvoir. Nous croyons en effet que la civilisation à laquelle on appartient vaut toujours la peine d’être promue. Si nous respectons la civilisation des autres, nous aimons la nôtre avant tout.
Or, c’est précisément à la promotion de cette civilisation que notre revue a l’intention de se consacrer. Si d’autres organes intellectuels s’y livrent déjà, nous souhaitons le faire d’une manière encore plus explicite, dans la lignée des grandes revues culturelles de l’entre-deux-guerres telles que Les Cahiers d’Occident, La Revue du siècle, ou encore la revue Combat – qui furent les porte-voix de ce que l’on a pu appeler la « Jeune Droite », forme de « révolution conservatrice » à la française.
Cependant, parce que la civilisation européenne est historiquement inséparable du catholicisme romain, notre revue ne pourra pas ne pas être catholique. Certains chrétiens y verront une instrumentalisation de la religion. Or, il y aurait instrumentalisation si la religion était réduite à un pur produit civilisationnel, ce qui n’est nullement notre intention. Nous voyons avant tout l’Église catholique comme l’Église fondée par Jésus-Christ. Néanmoins, il est indéniable que cette Église se soit liée plus particulièrement à la civilisation de Rome – le latin en étant la langue officielle, et même la principale langue rituelle, quoique disent ou fassent les hommes d’Église eux-mêmes.
Notre revue sera donc résolument civilisationnelle, c’est-à-dire européenne, et catholique – une jonction qui fera son originalité et sa spécificité. Ses contributeurs, aux compétences et aux sensibilités diverses, auront pour commun objectif de promouvoir notre identité européenne et chrétienne.
La Droite française s’est trop souvent cantonnée à un combat purement national. Or, nous pensons que l’heure n’est plus aux nationalismes égoïstes. De nombreux évènements géopolitiques nous montrent qu’une nouvelle époque est en train de s’ouvrir, une époque du retour en force des civilisations – des empires ou « États civilisationnels », songeons par exemple à la Russie ou à la Turquie. Nous ne pouvons l’ignorer.
S’il est vrai que la France n’a aucune raison de rester dans cette tyrannie des Juges qu’est l’« Europe » de Bruxelles, s’il est aussi vrai que le « nationalisme européen » est une utopie – parce que l’Europe n’est pas une « race » –, notre France doit cependant envisager le futur avec les nations appartenant, comme elle, à la grande civilisation européenne. Des nations dont l’histoire est à bien des égards commune, dont les mœurs, et souvent la langue, sont en grande partie d’origine romaine, et dont la religion historique est le catholicisme. Bref, des nations dont la forma mentis est au fond la même. Et dont l’idéal moral est ainsi identique.
Un idéal moral qui s’identifie à la dignitas, à l’honneur, notion tout européenne qu’on ne retrouve comme telle dans aucune autre civilisation.
Nos valeurs sont ainsi les valeurs aristocratiques, ascétiques et martiales, qui font partie de cet idéal commun à la Rome antique et à la Chrétienté médiévale. Des valeurs qui sont le contraire de la barbarie, du mode de vie de la brute blonde rôdant en quête de proie et de carnage ; mais qui sont aussi à l’opposé des dogmes de l’Occident libéral, marchand et faussement universaliste – point sur lequel les membres de la « Nouvelle Droite » ont souvent été bien plus lucides, il faut le dire, que les catholiques conservateurs. Des valeurs radicalement antimodernes.
En ce sens, notre revue se veut une passerelle entre les divers courants antimodernes, en particulier entre les catholiques ouverts au combat civilisationnel et les gens se sentant des affinités avec la Nouvelle Droite mais qui ne sont pas hostiles au catholicisme romain.
Nous pensons en effet que la Droite – mais nous parlons ici de la vraie, c’est-à-dire de celle qui, dans les faits, refuse catégoriquement l’ensemble des principes des Lumières et de la Révolution de 1789 – doit se réunir. Si certains veulent en finir avec le clivage gauche-droite, nous croyons au contraire qu’il est à maintenir, à condition toutefois de le clarifier. Nous n’acceptons pas ce clivage comme opposition démocratique. Nous l’acceptons comme opposition métapolitique, métaphysique. L’homme de Droite est celui qui reconnaît un ordre naturel et objectif des choses s’imposant à tous, ordre qu’il se fait donc un devoir d’actualiser en lui et dans la société politique. L’homme de gauche est celui qui refuse cet ordre, au nom d’une idée perverse : l’égalité absolue. Au fond, l’homme de gauche refuse l’inégalité par orgueil. Tandis que l’homme de Droite refuse l’égalitarisme comme il refuse toute chimère.
Parce que nous désirons sincèrement l’union, nous nous engageons à ne jamais user de la polémique contre d’autres organes et courants de Droite.
Notre revue se veut avant tout une revue d’idées. Nous ne croyons ni au système représentatif, ni en la contestation de rue. Ce n’est ni par des élections, ni par la foule que l’Europe redeviendra romaine. Mais par le combat culturel.
Nous en appelons à un renouveau de la civilisation, car, comme toute tradition, la civilisation est chose vivante : la guérir de ses maux, ce n’est donc pas la faire retourner en arrière, mais plutôt la renouveler. En ce sens, nous ne voulons pas être des hommes du passé. Nous voulons être d’authentiques traditionalistes. L’européanité, la romanité, n'est pas un musée, mais notre identité. C’est le « Je suis Romain » du païen Cicéron, du chrétien Paul de Tarse, repris par un Maurras. Une romanité que nous voulons transmettre, et donc réactualiser.
Pour parvenir à cette fin, nous pensons qu’il faut nous appuyer sur la philosophie politique la plus solide et la plus pérenne qui soit. Cette philosophie n’est autre que celle de notre civilisation, en ce domaine héritière des Grecs. Nous la trouvons ainsi chez un Aristote, chez un Cicéron, chez un Dante, mais aussi et surtout chez un saint Thomas d’Aquin. Nous pensons en effet – à la suite d’un Marcel De Corte – que le Docteur médiéval, qui a su prendre le meilleur de la pensée païenne et le concilier avec la foi chrétienne, n’a nullement perdu de son actualité. La tradition aristotélico-thomiste est celle que l’Église de Rome a toujours privilégiée depuis la Contre-Réforme, et celle sur laquelle la Droite authentique s’appuie, notamment lorsqu’elle défend le bien commun contre les théories émancipatrices, l’ « État organique » (expression d’Othmar Spann) contre les abstractions individualistes.
Cependant, nous voulons aussi nous appuyer sur tous les grands penseurs de la Droite, c’est-à-dire sur tous ces hommes qui, tant par leurs actes que par leurs écrits, se sont opposés frontalement aux idées et produits des Lumières et de la Révolution de 1789. Tels sont les penseurs contre-révolutionnaires du XIXe siècle (Louis de Bonald, Joseph de Maistre, Juan Donoso Cortés…), les penseurs nationalistes du XXe siècle (Charles Maurras, Antonio Sardinha, Mircea Eliade…), et même ces penseurs qui ont pu être regroupés sous l’étiquette de « fascistes latins » (Asvero Gravelli, Corneliu Codreanu, José Antonio Primo de Rivera). Nous pensons en effet que ces « fascismes latins » sont des courants qui, malgré leurs défauts historiques, ont su promouvoir les valeurs traditionnelles – et chrétiennes, les catholiques l’oublient trop souvent, – avec bien davantage de force que d’autres courants considérés comme étant de Droite. Et qu’ils n’ont en aucun cas à être tenus responsables des horreurs commises par ces trois grandes hystéries du XXe siècle – dont la dernière n’est pas morte – que furent l’hitlérisme, le communisme et le libéralisme.
Notre revue se donnera précisément pour mission de mieux faire connaître, d’une part, et de réactualiser, d’autre part, la pensée de ces grands hommes de Droite – hommes d’esprit autant que de cœur, pourfendeurs de la Révolution et promoteurs de notre civilisation –, le but n’étant pas de faire de l’érudition mais d’inviter à l’action, grâce à un propos synthétique et accessible.
Sur le plan politique, la tradition de notre civilisation pourrait finalement se résumer en un mot : l’Ordre. L’Ordre qui, comme le disait Abel Bonnard, est le « nom social de la beauté ». Oui, c’est cette aspiration à la beauté, y compris dans le domaine politique, qui caractérise la civilisation européenne. Beauté dont les trois notes essentielles sont, comme a pu le montrer un saint Thomas, la complétude, l’harmonie et la clarté.
Lorsque les citoyens peuvent trouver dans la Cité tout ce qui est nécessaire à leur perfection, des biens les plus matériels aux plus spirituels ; lorsqu’ils sont unis malgré la diversité de leurs conditions et de leurs vertus, la pluralité des fonctions et l’inégalité de leurs rangs ; lorsque la pensée y est lumineuse, les lois éclairantes et les arts brillants comme le soleil : alors, la Cité est heureuse.
Contre la démesure et la passion dionysiaques, nous prônons la mesure et la raison du dieu Apollon, symbole du soleil et de la beauté. Et notre revue tâchera elle-même de présenter une pensée qui soit à la fois la plus complète, la plus harmonieuse et la plus claire possible, avec une langue qui le soit tout autant.
Toutefois, c’est bien l’Ordre, la beauté de notre Cité, que nous voulons contribuer à recréer. Un Ordre dont l’État législateur – pur produit de la civilisation romaine – est, en droit, le garant, le protecteur et le défenseur.
Et c’est pourquoi notre but politique ultime est bien, à notre humble niveau, d’aider notre courant de pensée à parvenir un jour au sommet de l’État, pour reprendre en main le destin de notre civilisation.
D’autant que nous voyons la France, ainsi que toutes les nations appartenant à la grande tradition européenne, comme des unités de destin ayant une mission universelle, d’ordre essentiellement spirituel – soit philosophique et religieux –, mission qui doit être retrouvée par elles. Nous ne parlons pas ici de l’impérialisme des droits de l’homme. Nous voulons parler du véritable universalisme, romain et catholique, qui, tout en respectant absolument les particularités des diverses civilisations, et en s’appuyant même sur elles, se veut un feu qui éclaire le monde.
Mais, pour que ce feu éclaire, encore faut-il le raviver – de Rome à Anvers, de Hambourg à Madrid, de Lisbonne à Budapest, de Bucarest à Paris.
Prenons au sérieux le mot d’Horace : beaucoup de choses renaîtront, qui sont déjà tombées.
Puissent le Christ, Roi des Nations, Notre-Dame, Reine de France, le grand saint Benoit, patron de l’Europe, et José Antonio Primo de Rivera, sous le patronage duquel nous nous plaçons pour sa jeunesse et son héroïsme, bénir notre projet et tous ceux qui y contribueront.